Génération dakou
Edité par Lionel Bize, Antoine Guex, Aline Hostettler, Christian Indermuhle, Nathalie Monbaron et Thibault Walter.
Traduit du chinois (mandarin) par Antoine Guex et de l’anglais par Aline Hostettler et Lionel Bize.
Je m’assieds sur les toilettes à l’écoute de l’eau qui remplit le réservoir : elle s’écoule, s’agite, puis pénètre dans une autre petite vanne étroite, quelques gouttes fuient au cours du trajet. En même temps, l’eau s’évacue de la cuvette, tourbillonne, gronde, se recompose tranquillement, tandis qu’elle fait disparaître au loin, dans ses voies sinueuses, la réalité d’un monde. J’aimerais réfléchir encore une fois à ce problème : puisque les sons du monde sont naturellement parfaits, pourquoi doit-on encore faire de la musique ? Le bruit de la chasse d’eau : on entend par apparitions successives une fragilité triste, un long son discret, un événement imprévu empreint d’humour, comme un dialogue avec un dernier écho : un son d’adieu, réponse plus claire que n’importe quelle allusion littéraire. Alors qu’on saisit en dedans une trame sonore, elle entre dans un état de repos et plus nombreux sont les sons qui apparaissent, plus subtils, plus vastes ; ce calme semble un puits sans fond : plus on descend, plus la lumière est grande.
Yan Jun est un poète et musicien chinois, né en 1973 à Lanzhou et vivant à Pékin. Co-fondateur du collectif Sub Jam en 1998 et du label Kwanyin Records en 2004, il est l’un des animateurs les plus actifs de la scène expérimentale chinoise contemporaine. Son œuvre revisite les héritages d’une génération qui a fouillé les décombres et les surplus des productions industrielles occidentales chez les brocanteurs des marchés chinois. C’est ainsi qu’elle a fabriqué un univers poétique et musical aux recyclages inventifs, riches d’expérimentations multiples, créant une forme de critique subtile, fragile et drôle, des mondes contemporains.
|